J’ai entrepris des études artistiques après avoir expérimenté divers modes de vie alternatifs. J’ai longuement vécu en camion, éprouvant la ville comme un terrain de jeu, choisissant le décor de mon quotidien à chaque nouveau stationnement et paramétrant la suite des aventures au fil des rencontres ou des différents aléas inhérents à ce choix de vie. Cette manière d’habiter le monde a insufflé à mes propositions artistiques un goût pour le mouvement, le non-définitif et toutes les possibilités de mutations, de surprises, de réversibilités qu’il contient.
Ce choix de vie puise ses ressources dans l’ingéniosité (théorisée par Michel de Certeau dans L’invention du quotidien), le partage des connaissance et la philosophie Do it yourself. Cette expression de la débrouillardise et du bricolage, a muté ces dernières années avec le développement des nouvelles technologies, les différentes ressources disponibles sur internet : du tutoriel à Wikipédia, l’émergence de lieux comme les hackerspaces qui proposent un échange de ressources ou de compétences autour de savoir-faire parfois complexes, des logiciels libres et du matériel open source entre-autres.
Depuis le projet Stochastic débuté en 2013, ma manière de faire s’appuie sur ces pratiques open source pour la multitude de potentialités artistiques qu’elles permettent ainsi que pour leurs capacités à inventer de nouveaux modèles économiques participatifs et solidaires où les connaissances de chacun sont valorisées pour réaliser ensemble.
Mon travail sonde et digère les typologies variées de la violence quelle qu’elle soit : physique, sociale, économique.
Je m’empare d’archétypes tels que les armes, les munitions, le fil barbelé, les objets liés à la sécurité ou au monde de la finance et court-circuite leur fonction initiale.
J’élabore des stratégies de résistance poétique pour désamorcer le potentiel agressif de représentations violentes en les déplaçant vers d’autres territoires plus ludiques ou festifs.(Constellation, Blast, Stigmata, Battledress, Party time, Firework, Lucioles, …)
U.T.G filme la violence ordinaire qui se niche au creux des relations sociales conflictuelles et propose au visiteur d’expérimenter seul les entrailles d’un rapport de force. Stochastic transforme la violence économique qui contraint par souci de rentabilité, en une chorégraphie dérégulative illimitée et Cryptogame offre une visibilité aux maisons expulsées de leurs habitants.
J’explore les rapports litigieux et ses diverses modulations en élaborant des installations parfois interactives. J’invente des systèmes où sont volontairement inclus des paramètres aléatoires afin de perdre la maîtrise du résultat final et offrir à l’installation la possibilité d’une indépendance relative : une certaine autonomie de développement. (Stochastic, No Bird, Glitterball, Bootleg, …)
Ma démarche questionne également le rapport du spectateur à l’art en lui proposant de vivre une expérience, d’interagir avec les œuvres en choisissant de quelle façon il veut entrer en relation avec le dispositif artistique à sa disposition. (Clandestine workshop, Salle de bal, Concertina razormallow wire, Dystopic Paradise, Masochisant(e), Pursuit, …)
Mes pièces démontent et remontent la réalité pour ausculter la mécanique du rapport de force et proposer une alternative mouvante en se jouant de la violence ambiante.
Octobre 2019.